La désinformation sur internet et les réseaux sociaux - génération connectée, génération désinformée ?
À l’ère du numérique, la désinformation sur les réseaux sociaux est devenue un enjeu majeur, en particulier chez les plus jeunes. De TikTok à Instagram, les adolescents sont massivement exposés à des contenus trompeurs mêlant infox, théories du complot et manipulations visuelles. Cette désinformation sur internet et les réseaux sociaux influence leurs croyances, leur rapport à la science et leur compréhension du monde. Alors que la désinformation chez les jeunes inquiète enseignants et parents, les réponses éducatives peinent à suivre. Cet article explore l’ampleur de la désinformation, son impact, et les pistes pour mieux y résister à l’école comme à la maison.
Comment a été établi cette étude ?
Cet article repose principalement sur les résultats de l’Étude GoStudent sur l’éducation du futur 2025, réalisée en collaboration avec le cabinet Opinium. Cette enquête approfondie a été conduite en ligne du 6 novembre au 3 décembre 2024 auprès de 5 859 enfants âgés de 10 à 16 ans et de leurs parents ou tuteurs, ainsi que de 300 enseignants.
Les données ont été collectées dans 6 pays européens : l’Autriche, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. L’échantillonnage a été conçu pour refléter la diversité des profils interrogés, en prenant en compte :
- la répartition des âges et des sexes parmi les parents, enfants et enseignants ;
- les différents niveaux de confiance en soi et de réussite scolaire chez les élèves ;
- les établissements sélectifs, non sélectifs et privés.
Pour offrir une vision plus globale du système éducatif actuel, l’enquête a également inclus des enseignants issus de nombreuses disciplines et niveaux d’enseignement. Leur questionnaire, d’une durée de 15 minutes, s’est déroulé entre le 4 et le 18 novembre 2024.
En parallèle de cette enquête principale, d’autres sources en ligne ont été consultées afin d’éclairer les résultats, en les replaçant dans le contexte des évolutions et tendances actuelles du monde éducatif.
1. Ce que les enfants voient en ligne : une exposition massive
- 86 % des jeunes âgés de 8 à 18 ans en France sont présents sur au moins un réseau social, ce qui accroît leur exposition potentielle à la désinformation et à des contenus inadaptés. (Source : e-Enfance)
- En moyenne, les enfants vivent dans des foyers où ils sont exposés à 10 écrans. (Source : Vie Publique)
- 1 enfant sur 4, âgé de 5 à 7 ans, possède déjà un smartphone. (Source : Meta-Media)
- 67 % des enfants entre 8 et 10 ans utilisent déjà des réseaux sociaux, souvent sans encadrement adulte, malgré les limites d’âge. (Source : e-Enfance + meta-media.fr)
- En deux ans, la part des 8-10 ans présents sur les réseaux sociaux a plus que doublé, atteignant désormais 67 %. (Source : e-enfance.org)
- 13 % des moins de 25 ans ont été victimes de contenus truqués (deepfakes), un phénomène favorisé par leur usage intensif des réseaux sociaux. (Source : Flashs.fr)
- 55 % des 18-24 ans pensent pouvoir repérer un deepfake, mais 90 % se font tromper au moins une fois lors de tests, montrant un écart entre confiance et réalité. (Source : IFOP + ladn.eu)
- 74 % des Français estiment qu’ils sont souvent exposés à des informations volontairement fausses sur les réseaux sociaux. (Source : Ipsos)
- 2 Français sur 3 déclarent avoir du mal à distinguer les contenus authentiques de ceux générés par intelligence artificielle, comme des images ou vidéos truquées. (Source : flashs.fr)
- Moins de 25 % des collégiens savent reconnaître une information manipulée en ligne, même après des cours d’éducation aux médias, soulignant une confusion fréquente entre opinion, fait et propagande. (Source : vie-publique.fr)
D’après GoStudent :
- 85 % des enfants se disent conscients des risques liés aux faux contenus en ligne (deepfakes, fake news, etc.).
- Une moyenne de 50 % des enfants déclarent avoir déjà vu de fausses images en ligne (UK, ES, DE, AU, FR). Ce pourcentage s’élève à 55 % en France.
- 48 % disent avoir été confrontés à des fake news.
- 24 % ont vu du contenu extrémiste en ligne.
2. Quand les écrans façonnent les croyances : entre désinformation en ligne et complots
- En 2022, seulement 19 % des enfants de 12 à 15 ans ont déclaré avoir vérifié si les informations étaient vraies après les avoir vues sur Internet. (Source : vie-publique.fr)
- 60 % des Français adhèrent à au moins une information erronée, ce qui met en évidence l’importance d’enseigner l’éducation aux médias dès l’enfance. (Source : Le Monde)
- 69 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans croient à au moins une idée fausse d’ordre scientifique ou complotiste, un phénomène encore plus marqué chez les utilisateurs intensifs des réseaux sociaux. (Source : De Facto – Observatoire des infox + flash.fr)
D’après arcom.fr :
- Les jeunes utilisent majoritairement les réseaux sociaux comme principale source d’information.
- Bien qu’ils soient de plus en plus conscients du problème de la mésinformation, 21 % des 18-24 ans préfèrent tout de même que les contenus qu’ils voient sur les réseaux soient choisis par des algorithmes plutôt que par des journalistes.
D’après flashs.fr :
- 31 % des personnes interrogées reconnaissent avoir partagé des informations qui se sont avérées fausses, un phénomène encore plus fréquent chez les jeunes, où ce chiffre atteint 46 %.
- 13 % des jeunes de moins de 25 ans ont déjà été victimes de contenus deepfakes.
- 57 % des sondés disent craindre d’être visés par des deepfakes. Cette crainte est fondée : 4 % ont déjà été touchés, un chiffre qui monte à 13 % chez les moins de 25 ans, utilisateurs intensifs des réseaux sociaux.
- Les jeunes adultes sont les plus préoccupés par ce phénomène : 64 % des 18-24 ans expriment une inquiétude spécifique face aux deepfakes.
Croyances problématiques détectées chez les enfants, d’après l’étude GoStudent :
- 43 % croient que le Covid-19 a été créé en laboratoire.
- 41 % pensent que le monde est dirigé par une élite secrète.
- 29 % croient que les vaccins sont une conspiration.
- 24 % nient l’existence du changement climatique.
D’autres croyances problématiques d’après d’autres sources :
- 25 % des jeunes pensent à tort qu’il est possible d’interrompre une grossesse sans danger en utilisant des plantes. Cette idée fausse circule largement sur les réseaux sociaux, en particulier sur TikTok. (Source : Fondation Jean-Jaurès)
- 16 % des jeunes âgés de 11 à 24 ans croient que la Terre est plate, un pourcentage qui grimpe à 29 % chez les utilisateurs fréquents de TikTok. (Source : Le Point)
- 27 % des jeunes entre 11 et 24 ans rejettent la théorie de l’évolution au profit d’une explication spirituelle, contestant ainsi un pilier fondamental de la science moderne. (Source : Le Point.fr)
- 19 % des jeunes croient que les pyramides d’Égypte ont été construites par des extraterrestres, une théorie du complot très populaire sur les réseaux sociaux. (Source : Le Point + Radio France)
- 49 % des jeunes considèrent à tort l’astrologie comme une science, confondant ainsi croyance ésotérique et rigueur scientifique. (Source : Le Point)
- 33 % des jeunes pensent que la science fait plus de mal que de bien à l’humanité, traduisant une méfiance croissante envers les progrès scientifiques. (Source : Le Figaro)
- 48 % des jeunes de 11 à 24 ans croient à l’existence des esprits, témoignant d’un fort intérêt pour les phénomènes paranormaux. (Source : Le Point + Radio France)
- 35 % des jeunes de 11 à 24 ans adhèrent à la croyance en la réincarnation, issue de traditions spirituelles variées. (Source : Le Point)
- 20 % des jeunes sont convaincus que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune. (Source : Le Point)
Existe-t-il un lien entre réseaux sociaux et désinformation ?
- Les personnes qui utilisent intensivement les réseaux sociaux montrent un niveau élevé de croyance irrationnelle. Ils sont également très nombreux : 69 % des participants à l’étude ont déclaré avoir consulté un réseau social au cours du mois précédent, alors qu’ils ne sont que 1 sur 10 à avoir lu un journal ou un site de presse écrite en ligne. (Source : Le Point)
- 41 % des utilisateurs de TikTok qui s’en servent comme moteur de recherche estiment qu’un influenceur ayant beaucoup d’abonnés est généralement une source d'information fiable. (Source : Le Point)
- Il existe un lien clair entre l’utilisation fréquente de TikTok et la propension à croire à des idées comme l’astrologie, la sorcellerie ou la cartomancie. Les personnes qui n’utilisent jamais TikTok sont systématiquement moins enclines à croire en ces pratiques que celles qui l’utilisent quotidiennement, avec un écart pouvant atteindre 13 points sur la croyance en les envoûtements. D'autres réseaux sociaux semblent un peu moins néfastes, mais leur impact reste préoccupant. (Source : Le Point)
- Seuls 31 % des jeunes interrogés rejettent toutes les croyances irrationnelles analysées dans l’étude, ce qui en fait une minorité nette. (Source : Le Point)
- Le niveau socio-économique joue un rôle important : les individus issus de milieux aisés sont davantage portés vers une pensée rationnelle, avec 54 % d’entre eux n’adhérant ni aux théories platistes, ni aux idées complotistes, ni aux croyances ésotériques. (Source : Le Point)
Chez les 11-24 ans, d’après l’étude IFOP en collaboration avec l’institut Jean Jaurès et ReBoot :
- 69 % utilisent les réseaux sociaux comme source d’information (facebook, instagram, TikTok, Snapchat, etc..)
- 59 % utilisent les moteurs de recherche en ligne
- 58 % utilisent des plateformes vidéo en ligne (Youtube ou autres plateformes)
- 58 % utilisent des plateformes de messageries (Whatsapp, Messenger, Telegram, etc..)
- 20 % utilisent les réseaux sociaux de microblogging (Twitter, Tumblr, etc..)
- 23 % ont recours aux journaux d’information des grandes chaines de television
- 17 % ont recours aux sites internets ou applications des emissions des chaines de television/stations radio
- 15 % les journaux ou chaines d’emissions d’information en continu (BFMTV, CNews, etc..)
- 13 % les émissions de débats télévisés (C dans l’air, On est en direct, etc..)
- 10 % sites internet ou application mobiles des titres de la presse écrite (Le Monde, Ouest France, etc…)
L’un des principaux dangers liés à l’usage des réseaux sociaux pour s’informer est le biais de confirmation : les algorithmes privilégient les contenus qui confortent les opinions de l’utilisateur, ce qui limite la remise en question de ses croyances. 1 jeune sur 3 accorde sa confiance aux informations qu’il lit sur les réseaux sociaux, malgré ces mécanismes renforçant la désinformation.

3. Le rôle des professeurs et leur inquétude face à la désinformation en ligne
- 62 % des enseignants interrogés affirment que la désinformation en ligne nuit à l'apprentissage en classe. Pour mieux les soutenir dans ce contexte, des solutions comme l’accompagnement éducatif personnalisé des cours particuliers pourrait jouer un rôle clé, en renforçant l'apprentissages et en renforçant l’esprit critique chez les élèves. (Source : vie-publique.fr)
D’après l’étude GoStudent :
- 91 % des professeurs pensent que la désinformation influence déjà les enfants.
- 47 % des enseignants disent que les enfants ne distinguent pas le vrai du faux.
- 33 % notent que les enfants ont des idées préoccupantes sur le sexe et les relations.
- 32 % constatent des erreurs de compréhension sur l'actualité.
- 25 % remarquent des opinions erronées sur la science et la santé.
- 22 % disent que la désinformation rend les enfants moins tolérants envers les autres cultures.
4. Les parents entre vigilance et confusion
- 78 % des parents s’inquiètent du fait que leurs enfants soient exposés à des fausses informations sur les réseaux sociaux. (Source : vie-publique.fr)
- 70 % des parents déclarent ne pas avoir réellement de contrôle sur ce que leurs enfants voient en ligne, notamment en ce qui concerne les fausses informations. (Source : e-enfance.org)
- Une part importante des parents reconnaît ne pas être capable d’identifier eux-mêmes une fake news, comme le montre une section du rapport sur la fracture numérique entre générations. (Source : vie-publique.fr)
- 84 % des adolescents considèrent leur famille comme une source d’information, et pour 30 % d’entre eux, c’est même leur principale source. Ce chiffre met en lumière le rôle central des parents dans l’accompagnement informationnel de leurs enfants. (Source : Radio France)
Réactions et difficultés des parents face à la désinformation, selon l’étude GoStudent :
- 95 % des parents prennent des mesures concrètes pour lutter contre la désinformation :
- 42 % parlent ouvertement avec leurs enfants.
- 36 % leur apprennent à repérer les fake news et la désinformation sur les réseaux sociaux.
- 29 % utilisent des applis de contrôle parental.
- 10 % interdisent l’usage d’appareils numériques.
- 39 % des parents ont du mal à déterminer eux-mêmes ce qui est vrai en ligne, atteignant 47 % en France.
- 42 % parlent ouvertement avec leurs enfants.
Former, éduquer et encadrer pour protéger la jeunesse de la désinformation sur les réseaux sociaux
Face à la montée de la désinformation en ligne, la société prend conscience de l’urgence d’agir. Familles, écoles, institutions : chacun a un rôle à jouer pour former des jeunes capables de décrypter les contenus qu’ils consomment. Mais cette mission exige des outils concrets, une éducation adaptée dès le plus jeune âge et une meilleure régulation des plateformes. À travers données, recommandations officielles et observations terrain, cette section explore les leviers à mobiliser pour protéger efficacement les nouvelles générations face aux infox, aux deepfakes et aux pièges de l’algorithme.
D’après flashs.fr :
- 90 % des Français estiment qu’il est essentiel d’indiquer clairement l’origine des images, afin d’informer le public sur leur authenticité. Cette exigence est largement partagée par toutes les générations, avec 79 % des 18-24 ans et 93 % des plus de 35 ans qui y sont favorables.
Bien que certains signes permettent encore de repérer une image générée par l’IA, beaucoup les trouvent difficiles à identifier :
- 59 % des personnes interrogées considèrent qu’un mouvement des lèvres peu naturel est relativement simple à détecter.
- Seuls 33 % jugent qu’un clignement d’yeux anormalement rare est facile à repérer.
- 32 % estiment qu’une mauvaise reproduction des mains constitue un indice identifiable.
D’autres signes, comme des rides trop lisses (29 %), des reflets incohérents dans les lunettes (25 %), des ombres floues (21 %) ou une pilosité incomplète (15 %) sont encore moins faciles à repérer pour la majorité.
Mais alors, comment combattre la désinformation sur les réseaux sociaux et mieux aider notre jeunesse ? Voici ci-dessous quelques solutions proposées par le Rapport « Enfants et écrans - À la recherche du temps perdu », créé par le gouvernement français.
1 - Retarder l'acquisition du premier smartphone
Il est recommandé de retarder l’obtention du premier smartphone jusqu’à l’âge de 15 ans, dans le but de réduire l’exposition précoce aux réseaux sociaux et aux contenus potentiellement dangereux.
2- Intégrer des modules formatifs pour apprendre à repérer et vérifier les potentielles désinformations
- Le rapport recommande d'intégrer systématiquement des modules de lutte contre la désinformation et les théories du complot dès le cycle 3 (CM1-CM2), en lien avec l’usage des écrans et réseaux sociaux.
- Moins de 40 % des écoles en Europe proposent des cours spécifiques d’éducation aux médias numériques incluant l’identification de la désinformation.
- Une majorité de jeunes (54 % des 12-18 ans) déclarent qu’ils aimeraient apprendre à repérer les fausses informations à l’école.
3 - Renforcer l’éducation aux médias et à l’esprit critique
L’une des priorités soulignées par le gouvernement est de développer l’éducation aux médias numériques dès le plus jeune âge. L’objectif est de permettre aux jeunes de devenir des acteurs informés et responsables de leur vie numérique. Cet apprentissage peut aussi être soutenu par des dispositifs complémentaires comme des cours particuliers personnalisés, qui aideraient les élèves à renforcer leur esprit critique quand ils seront exposés au contenus en ligne.
Cela implique d’apprendre aux enfants et adolescents à :
- identifier des contenus fiables,
- repérer les fausses informations,
- comprendre les mécanismes de diffusion virale sur les réseaux sociaux,
- exercer leur esprit critique face aux contenus qu’ils consomment ou partagent.
4 - Former les enseignants aux enjeux du numérique
Les enseignants doivent être mieux formés pour accompagner les élèves dans leur usage du numérique. La Commission insiste sur la nécessité de faire de la formation au numérique une compétence de base du métier d’enseignant.
Cela comprend :
- des outils pour sensibiliser à la désinformation en classe,
- des supports pédagogiques adaptés,
- une meilleure compréhension des algorithmes, bulles de filtres et mécanismes de viralité.
5 - Impliquer activement les parents dans l'accompagnement numérique
Les familles jouent un rôle essentiel dans la prévention de la désinformation. Une meilleure collaboration école-famille est jugée indispensable pour construire une culture commune de vigilance.
Le rapport recommande de :
- outiller les parents pour qu’ils puissent discuter avec leurs enfants des informations vues en ligne,
- leur fournir des repères clairs sur les bonnes pratiques numériques à la maison,
- les intégrer davantage dans les politiques éducatives du numérique.
6 - Encadrer les plateformes numériques pour protéger les jeunes
Le rapport appelle à une régulation plus stricte des réseaux sociaux. La Commission recommande un travail coordonné avec les autorités européennes dans le cadre du Digital Services Act.
Les plateformes doivent :
- proposer des paramétrages clairs et accessibles,
- mettre en place des systèmes de signalement et de modération adaptés aux mineurs,
- rendre leurs algorithmes plus transparents,
- promouvoir des modèles économiques non addictifs et éthiques.
7 - Créer un cadre éducatif progressif selon l’âge
Ce cadre doit s’adapter à l’évolution des connaissances scientifiques, tout en intégrant les enjeux de désinformation dès le collège. Une logique de parcours numérique progressif est proposée dans le Rapport « Enfants et écrans - À la recherche du temps perdu » :
- pas d’exposition aux écrans avant 3 ans,
- permettre un usage très limité avant 6 ans,
- accès encadré aux réseaux sociaux à partir de 13 ans.